Entretiens du Travail
Les Entretiens du travail : une initiative majeure au cœur d’une société en mutation
À travers les Entretiens du travail, l’Institut de l’Entreprise a réuni dirigeants, experts et praticiens pour notamment :
identifier les défis actuels et futurs du travail, proposer des solutions adaptées aux entreprises et aux salariés,
et construire une vision cohérente pour sa modernisation.
Le Président de l’Institut de l’Entreprise, Pierre-André de Chalendar, s’est entouré de cinq membres son Conseil d’Orientation : Laurent Marquet de Vasselot (CMS Francis Lefebvre), Godefroy de Bentzmann (Devoteam), Béatrice Kosowski (IBM France), Estelle Sauvat (Groupe Alpha) et Christian Schmidt de La Brélie (Klesia),afin d’orchestrer plusieurs groupes de travail .
À travers cette démarche, l’Institut de l’Entreprise invite ainsi organisations et pouvoirs publics à adopter une approche holistique, où performance et engagement des collaborateurs ne sont plus dissociés, mais envisagés comme les piliers d’un modèle de travail durable. Pour ce faire, cet ouvrage collectif a été guidé par trois principes directeurs : la simplification, l’adaptation et l’anticipation afin d’aider les entreprises à remplir leur mission essentielle : créer de la richesse.
« Ce document donne des pistes et des propositions précises vers un modèle de travail plus équilibré ou performance et qualité de vie se complètent. Il invite à un dialogue ouvert entre les différents acteurs pour bâtir un cadre de travail moderne et agile, capable de répondre aux défis du XXIe siècle. »
Pierre-André de Chalendar, Président de l’Institut de l’Entreprise.
Repenser le travail : concilier performance économique et bien-être au travail
> > Rénover le droit du travail
Les réformes récentes (Loi Macron, Loi Rebsamen, Loi El Khomri, Ordonnances Macron) ont certes permis d'introduire davantage de souplesse, mais la complexité et la rigidité du cadre réglementaire restent un frein à l'emploi et à la compétitivité. La France souffre notamment d'un taux d'emploi des seniors inférieur à celui de ses voisins européens, ce qui appelle la mise en place de mesures propres à favoriser leur employabilité. Par ailleurs, la montée en puissance du travail indépendant et hybride exige une adaptation du droit du travail afin d'accompagner ces transformations.
Dans cette optique, le premier groupe de travail propose de renforcer la négociation collective en accordant une place plus centrale aux accords d’entreprise, pour en faire la pierre angulaire du droit du travail et rendre la loi supplétive de la volonté des parties, tout en simplifiant le cadre réglementaire par l’assouplissement des règles relatives au temps de travail, qu’il s’agisse du forfait jour, du temps partiel ou des horaires individualisés. Il est également suggéré de mieux intégrer les travailleurs indépendants et ceux en transition en garantissant la portabilité de leurs droits sociaux, tels que la formation, la retraite et l’assurance chômage, et d’encourager l’emploi des seniors en s’appuyant sur des mesures appropriées. Le rapport préconise spécifiquement l'introduction d'un entretien de mi- carrière et de fin de carrière pour les seniors, accompagné du renforcement de dispositifs tels que le futur « Contrat de Valorisation de l'Expérience » (CVE).
Loin d’un démantèlement des protections, ces orientations visent à rendre le droit du travail plus modulable et plus adapté aux mutations du marché et aux demandes des salariés. Si l'assouplissement du droit du travail est un levier essentiel pour moderniser l’emploi, il ne peut être pleinement efficace sans un dialogue social renforcé, garantissant une meilleure proximité entre employeurs et salariés.
>> Renforcer le rôle des acteurs de proximité pour un dialogue social efficace
En France, le dialogue social a connu de profondes mutations, notamment avec la réforme de 2017 qui, si elle a simplifié les structures de représentation, a aussi affaibli la proximité entre les salariés et leurs représentants, en particulier au sein des grands groupes. La crise sanitaire et le développement du télétravail ont accentué ces difficultés, rendant plus complexes les échanges et réduisant la confiance entre employeurs et salariés. L’inégalité d’accès aux outils numériques a aussi limité la spontanéité du dialogue, favorisant l'émergence de mobilisations en dehors des structures syndicales classiques.
Afin de revitaliser un dialogue social de proximité, le rapport recommande de renforcer les compétences des représentants syndicaux ainsi que des managers de proximité, en leur offrant des formations adaptées pour répondre aux exigences d’un environnement en perpétuelle évolution. Il suggère également de prioriser les négociations collectives sur les sujets stratégiques, afin d’éviter les renégociations systématiques sur des accords déjà conclus, tout en encourageant un dialogue de proximité où le rôle des représentants locaux doit être redéfini. Ces mesures visent ainsi à réconcilier dialogue social et performance, en instaurant des discussions constructives et ciblées.
>> Partager la valeur avec les outils actuels
Le troisième groupe de travail met en lumière un constat fondamental : malgré l'existence de dispositifs de partage de la valeur au sein des entreprises, une grande inégalité persiste dans leur accès., De la même manière que les actionnaires, les clients, les fournisseurs et l'État, les salariés sont impliqués dans ce partage, à travers des mécanismes comme les salaires, l’actionnariat salarié, les primes et les bénéfices partagés. Pourtant, des obstacles subsistent, notamment pour les petites entreprises qui peinent à profiter pleinement de dispositifs comme l'intéressement ou la participation. En 2022, seulement 9,5 millions de salariés bénéficiaient de ces mesures, laissant de côté de nombreux salariés, surtout dans les petites structures.
Les propositions avancées par le think-tank visent à stabiliser le cadre réglementaire existant. Elles reposent sur une étude attentive des effets des réformes récentes. L’objectif est d’éviter d’envisager d’éventuelles modifications supplémentaires tant que les résultats de ces évaluations ne sont pas clairement établis. Par ailleurs, elles encouragent le partage de la valeur dans les plus petites entreprises en leur offrant des incitations spécifiques. Pour ce faire, le think-tank propose la création d’un guichet unique pour faciliter l’accès à ces dispositifs aux TPE/PME en particulier. Il est également recommandé de réduire la pression fiscale en diminuant le forfait social, ce qui permettra aux salariés de percevoir une part plus importante de la valeur. Il est, en outre, préconisé de développer le Plan d’Épargne Entreprise (PEE) au sein des petites entreprises. Simultanément, les propositions visent à améliorer la transparence et la communication autour de ces mesures afin de mieux informer les salariés et les employeurs. Enfin, elles recommandent une prise en compte accrue de la performance individuelle et collective dans les mécanismes de partage de la valeur. À cet effet, il est suggéré d’intégrer les notions d’éducation financière dans le cursus scolaire ainsi que dans la formation continue des travailleurs. Ces dispositions concourent à garantir une répartition équitable et motivante pour l’ensemble des acteurs.
Les propositions pour améliorer le partage de la valeur s'inscrivent dans une vision plus globale de la modernisation du travail, qui inclut également la formation et l'accompagnement des salariés tout au long de leur parcours professionnel.
>> Former, développer et accompagner tout au long de la vie
Le quatrième et dernier groupe de travail dresse un constat clair : la formation tout au long de la vie, qui doit être un continuum entre formation initiale et continue, rencontre de nombreux obstacles. L’offre de formation est vaste mais souvent perçue comme complexe et difficile à appréhender par les salariés. La multiplicité des acteurs publics, privés et associatifs complique encore la lisibilité de cette offre, tandis que l’individualisation des droits à la formation, notamment le Compte Personnel de Formation (CPF), limite le pilotage global. En outre, un manque d’information sur les formations disponibles et des problèmes de réactivité face à l’évolution rapide des besoins du marché accentuent le fossé entre l’offre et la demande.
Pour répondre à ces défis, plusieurs réformes sont proposées afin de moderniser et d’adapter notre système éducatif et professionnel. Il est envisagé de renforcer les liens entre l'école et les entreprises en intégrant davantage ces dernières dans les parcours éducatifs, notamment à travers la mise en place de bureaux des entreprises, de stages pour les enseignants, de dispositifs de mentorat et d'immersions professionnelles. Par ailleurs, il est prévu de mobiliser les moyens publics et privés nécessaires pour assurer une mise en œuvre efficace de la réforme du lycée professionnel annoncée en septembre 2023, en particulier via les options complémentaires. Enfin, ces initiatives visent à revaloriser les filières techniques et professionnelles, souvent perçues à tort comme des voies de second choix, tout en simplifiant l’accès à la formation continue et en renforçant son adéquation aux besoins des entreprises par la création d’un guichet unique et l’assouplissement des critères d’éligibilité des certifications.
Le défi majeur souligné tout au long de ce rapport reste de concilier performance économique et bien-être des collaborateurs, en trouvant un équilibre où l’efficience n’empiète pas sur l’humain. Les réformes proposées – réforme du droit du travail, dialogue social, partage de la valeur et formation continue – visent ainsi à remettre l’humain au cœur des organisations, en redéfinissant le contrat social entre employeur et salarié sur des bases de confiance et de reconnaissance.
Ces transformations, bien que complexes, offrent l’opportunité de repenser le travail de manière plus inclusive et durable. En plaçant l’humain au centre, elles permettent de bâtir des organisations agiles, innovantes et respectueuses de la qualité de vie au travail.